C’est décidé, vous souhaitez uniquement acheter des cosmétiques « sains » mais vous ne savez ni déchiffrer l’INCI, ni détecter les ingrédients toxiques à éviter ou à éliminer. Pas de panique, depuis tout juste quelques années, 2017-2018, de nombreuses applications mobiles ont l’ambition de décrypter les étiquettes de cosmétiques et promettent de vous donner un avis sur leur qualité. Ces applications sont-elles utiles, fiables, efficaces ? En un mot, vous permettent-elles d’acheter un meilleur ou un bon produit cosmétique ?
Le principe de fonctionnement des applis de décryptage cosmétique
Au coeur d’une application cosmétique, une base de données contenant :
- soit les cosmétiques
- soit les ingrédients des cosmétiques
d’où 2 méthodes différentes pour analyser un cosmétique :
- soit un scan sur le code barre du produit ou une saisie du nom du produit
- soit une photo des ingrédients du produit
mais toujours un seul principe, l’analyse de l’ensemble des ingrédients du produit.
Nous allons maintenant examiner les fonctionnalités de 5 applications de décryptage cosmétique disponibles gratuitement sur App Store et Google Play,
Yuka
la célèbre application alimentaire
qui décrypte aussi la cosmétique
- Méthode : Scan
- Résultat : Une note sur 100 correspondant à une couleur
Chaque ingrédient se voit attribuer un niveau de risque en fonction de ses effets potentiels ou avérés sur la santé : perturbateur endocrinien, cancérigène, allergène ou encore irritant. Ces risques sont affichés dans l’application avec les sources scientifiques associées.
Les ingrédients sont classées en 4 catégories de risque :
- sans risque (pastille verte),
- risque faible (pastille jaune),
- risque modéré (pastille orange),
- risque élevé (pastille rouge).
La note globale dépend du niveau de l’ingrédient avec le plus haut niveau de risque présent dans le produit. Ainsi, si l’ingrédient à risque le plus élevé présent dans le produit est :
- à risque élevé, la note est en dessous de 25 sur 100, le produit sera rouge
- à risque modéré, la note est en dessous de 50 sur 100, le produit sera orange, médiocre
- sans risque, la note est de de 50 à 100, le produit sera vert, bon à excellent
Mon avis sur Yuka
Si vous utilisez déjà Yuka pour l’alimentaire, il est inutile de charger une autre application pour la cosmétique, c’est toujours cela de gagné pour la mémoire de votre smartphone.
Trêve de plaisanterie, Yuka ne prend, par exemple, pas en compte les problèmes liés aux sels d’aluminium reconnus comme cancérigènes, ni les impacts écologiques des produits. Bon, une appli ne peut pas tout faire …
INCI Beauty
l’appli de touslesprix.com, comparateur de prix
développée par deux élèves ingénieurs en Chimie
- Méthode : Scan ou Recherche par nom
- Résultat : Une note sur 20
Avec les informations suivantes :
- la photo du produit
- la catégorie du cosmétique bien / satisfaisant / pas terrible / controversé ou à risque
soit vert / jaune / orange / rouge - le nombre de composants recensés dans chacune des catégories précédentes
- la fiche détaillée de chaque composant afin d’en connaître son origine, son utilité dans le produit, la famille d’ingrédients à risque à laquelle il appartient éventuellement
Fonctionnalités supplémentaires
Si le produit est mal noté, des alternatives plus saines à ce produit sont proposées.
L’appli donne la possibilité de classer un produit dans ses favoris et indique où l’acheter aux meilleurs prix avec un comparateur de prix.
Si l’article recherché est inexistant dans la base de données, les utilisateurs peuvent soumettre une photo du produit afin qu’il soit intégré à la liste en cours d’analyse.
Dernièrement, la recherche sur un ingrédient a été intégrée, elle permet de répondre aux questions sur sa fonction et son utilisation en cosmétique. Progressivement, ces informations vont être complétées par :
- La description de l’ingrédient précisant son rôle, son origine et les controverses ou risques qui sont liés
- Les restrictions qui sont imposées par la réglementation européenne écrites en français
- Une liste de référence vers des études ou informations diverses concernant le produit
Présentation de l’appli
Voici une vidéo très sympa réalisée par « Julienne Wondermum » sur cette appli.
Mon avis sur INCI Beauty
INCI Beauty affecte une note jaune à chacune des molécules faisant partie de la liste des molécules allergisantes trouvées dans un produit. Un produit bio utilisant 1 ou 2 huiles essentielles pour parfumer son produit se retrouve ainsi noté entre 10 et 15 alors que si un parfum synthétique avait été utilisé dont on ne connait pas la composition, ce même produit se serait vu attribué 20/20. Un comble. Un peu de jugeote aurait été nécessaire !!!
J’ai fait un petit tour sur les sprays solaires et j’ai trouvé un spray noté 17, tout vert, qui arrive dans les meilleurs choix, contenant du phenoxyethanol ? Comme quoi, ne pas faire une confiance aveugle même aux produits verts. Dommage, INCI Beauty était mon appli préférée sur le papier !!!
Clean Beauty
l’application d’Officinea,
une marque de cosmétiques bio
- Méthode : Photographie
- Résultat : Liste des ingrédients controversés et des allergènes trouvés
Cette liste est inexistante en cas de produit « sain ».
Fonctionnalités supplémentaires
- Un glossaire des ingrédients fournit des explications simples et claires sur un millier d’ingrédients
- Un point sur les ingrédients controversés
- Des explications sur la formulation des cosmétiques
Mon avis sur Clean Beauty
Clean Beauty est sans doute l’application cosmétique la plus intelligente des 5 puisqu’elle refuse de donner une note aux produits, tâche qui est impossible à informatiser … Elle se contente d’indiquer les ingrédients problématiques et permet à l’utilisateur de se former progressivement au décryptage de l’INCI vers une future autonomie. Parfait !
PharmaPocket
l’application qui décrypte les cosmétiques
disponibles en pharmacie
- Méthode : Scan
- Résultat : Note-couleur sur 10
Une note globale est attribuée au produit accompagné d’un code couleur :
- de 8 à 10 en vert
- de 4 à 8 en jaune
- de 0 à 4 en rose
La liste des ingrédients s’affiche. Chaque ingrédient est précédé d’un pictogramme vert / jaune / rose.
Fonctionnalités supplémentaires
Si votre produit est qualifié d’une mauvaise note, l’appli propose des cosmétiques alternatifs, mieux notés.
Si vous souhaitez acheter un type de produit en particulier, il suffit de cliquer sur l’onglet correspondant et de sélectionner le produit qui correspondra le plus à vos critères et votre budget.
Si le produit que vous souhaitez tester n’apparaît pas dans l’appli, scannez-le, l’équipe de PharmaPocket se chargera de l’intégrer à la base produit en priorité.
Mon avis sur PharmaPocket
Je trouve cette appli très utile aux personnes qui ont l’habitude d’acheter des produits en pharmacie pensant qu’ils sont de bonne ou de meilleure qualité. Elle, je l’espère, replacera ces produits, souvent plus chers, à leur juste valeur ou tout du moins à un rapport qualité/prix plus proche de la réalité !!!
Gardez à l’esprit que la notation est basée sur trois critères : 60% de l’évaluation repose sur la note interne des ingrédients, 30% de l’évaluation sur la note des pharmaciens, 10% de l’évaluation sur la note des utilisateurs. Autant dire que seul 60 % de la note pourrait être valable si on en connaissait les critères de notation ce qui la relativise énormément la note et la revoit franchement à la baisse.
En conclusion, si la note n’est pas comprise en 8 et 10 avec un voyant au vert, passez votre chemin.
QuelCosmetic
l’appli officielle de l’UFC Que choisir
l’association de défense des consommateurs
- Méthode : Scan
- Résultat : 4 pictogrammes correspondant au public bébé / femme enceinte / enfant / adulte de couleur vert/jaune/orange/rouge lié à une lettre A/B/C/D et à un niveau de risque
Voici les pictogrammes de la notation et un exemple de notation correspondant à une analyse de dentifrice
Fonctionnalités supplémentaires
Le commentaire de l’évaluateur expert est parfois disponible.
L’appli invite les utilisateurs à y contribuer en photographiant un produit qui ne figure pas encore dans la base et en scannant son code-barres. Ce dernier sera intégré dans les jours suivants.
Une base de données de produits cosmétiques est accessible par thématique (déodorants et parfums, produits solaires, soins du corps, maquillage, soins du visage, produits d’hygiène dentaire, produits pour bébés et enfants, soins des cheveux) et par catégorie (produit à risque ou sans risque). Ceci permet la consultation de listes de produits par type classés en deux catégories « à risque » et « sans risque ».
Mon avis sur QuelCosmetic
Dans les Questions / Réponses de l’appli, Que choisir indique qu’elle classe en vert :
- les sels d’aluminium
- le dioxyde de titane quelque soit son utilisation
- le sodium laureth sulfate
- le methylparaben et l’ethylparaben
- les PEG
- les polluants en général
En testant l’appli, j’ai constaté que sont aussi notés vert :
- parfum ou aroma (parfum synthétique)
- le phenoxyethanol
- l’EDTA (normal c’est un polluant)
- les filtres solaires chimiques
- les huiles hydrogénées
- le sodium tallowate
- le sodium palmate ou palm kernelate
On comptabilise 14 ingrédients ou familles d’ingrédients au moins qui sont notés vert alors qu’ils auraient selon les cas pu être notés jaune, orange voire rouge !!!
Un point positif de cette appli est d’isoler les allergènes de la notation globale. Un deuxième est celui de différencier les profils utilisateurs : bébé / enfant / adulte / femme enceinte. Bravo !!!
Les applications de décryptage cosmétique sont-elles utiles ?
Même si l’enquête récente de Que Choisir a révélé que plus d’un cosmétique conventionnel sur deux serait constitué de composants potentiellement nocifs pour la santé humaine et environnementale, il est bon de se rendre compte par « soi-même » que la plupart de ces cosmétiques contiennent des ingrédients indésirables.
Peu importe la note attribuée à un cosmétique, si tous les voyants ne sont pas au vert et encore, inutile d’acheter ce cosmétique. Ces applications, qui permettent enfin une « certaine » transparence, aident le consommateur à disposer d’un contre-pouvoir et à se détourner de certains achats vraiement douteux.
La FEBEA, Fédération des Entreprises de la Beauté, rappelle que tous les produits cosmétiques mis sur le marché sont rigoureusement contrôlés et soumis à des autorisations d’utilisation strictes. On ne pourrait pas, selon elle, trouver un perturbateur endocrinien, domaine sur lequel j’ai largement enquêté et pas uniquement dans le domaine cosmétique, dans un produit cosmétique et que la réglementation européenne est la plus rigoureuse au monde. Malheureusement, nous savons tous que certains membres d’organismes certificateurs sont des lobbyistes eux-mêmes ou très proches de lobbyistes.
Dans le monde des perturbateurs endocriniens, ce sont ces derniers qui empêchent la mise en place d’une définition pourtant demandée depuis 10 ans et donc d’une législation. Pour ceux que ce sujet intéresse, j’anime une page Internet « Je lutte contre les perturbateurs endocriniens, je me protège » dans laquelle je relaye l’info que je vois passer concernant les perturbateurs endocriniens. Vous pouvez bien sûr vous y abonner.
Les applications de décryptage cosmétique sont-elles fiables ?
Les notes attribuées par les applis pour un même produit sont parfois contradictoires. On peut donc se poser la question légitime de leur fiabilité. Sur quelles bases se fondent leurs évaluations ?
Difficile de savoir quelles sont les sources scientifiques, l’ANSES, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSM, l’agence nationale de sécurité du médicament, le comité scientifique pour la sécurité des consommateurs européens, les avis du CIRC, centre international de recherche sur le cancer, la base de données TEDX qui répertorie les molécules suspectées d’avoir un effet de perturbation endocrinienne, ou autres chez les uns et les autres, toujours est-il que ce ne sont pas les mêmes sources pour tous.
On comprend bien que si les sources ne sont pas les mêmes, les résultats seront différents. Les applis n’accordent pas le même jugement sur un ingrédient indésirable. Ainsi, elles ne considèrent pas de la même façon, par exemple, les sels d’aluminium ou le dioxyde de titane. Or c’est toujours, à l’échelle individuelle, le principe de précaution qui devrait primer. Il faut bien se rendre compte que si toutes les interrogations sur les ingrédients indésirables étaient prises en compte, il ne resterait que peu de produits conventionnels au vert dans les bases de ces applis.
Un dernier facteur et non des moindres, certaines ne prennent pas en compte le facteur écologique. Continuons de polluer …
Autant vous dire que les notes de toutes les appli sont largement surévaluées pour la majorité des produits conventionnels, uniquement sous-évaluées dans quelques cas et à mauvais escient, c’est à dire pas pour de bonnes raisons …
Les applications de décryptage cosmétique sont-elles efficaces ?
Les limites d’un décryptage d’étiquettes par une appli sont les mêmes que les limites de l’INCI lui-même. Une application analyse uniquement la composition du produit et non sa qualité ou son efficacité. Ces critères ne peuvent bien sûr, n’être évalués que par vous-même !!!
L’INCI et par conséquent l’appli qui s’appuie uniquement sur l’INCI ne répond pas aux questions suivantes :
Quelle est la nature noble des ingrédients ? du produit fini ? Les huiles végétales sont-elles vierges et bio ? Quelle est la proportion huiles estérifiées, hydrogénées dans la formule par rapport aux huiles vierges ? Quelles sont leurs quantités ? Le beurre de karité est-il brut ou pur ? raffiné ? Rien non plus sur la réelle qualité des ingrédients, du lieu de production.
Le produit est-il éthique ? écologique ? Le beurre de karité est-il éthique ou non ? L’appli comme l’INCI ne dira sur les conditions de vie et de travail des femmes qui l’ont récolté et fabriqué et encore moins sur son conditionnement, son raffinage. Cette problématique concerne de nombreux ingrédients cosmétiques qui viennent des quatre coins du monde.
Le produit est-il sensé ? De nombreuses personnes souhaitent faire des achats sensés : local ou en circuit court, plus respectueux du producteur, plus écologique. L’appli ne dit rien sur la marque et la provenance des ingrédients.
L’avis de Sophie : Nécessaire mais loin d’être suffisant
Il est toujours nécessaire de lire la liste INCI d’un cosmétique avant d’acheter. Les applications sont sympas pour éliminer les très mauvais produits. Normalement sauf quelques cas, si tout n’est pas au vert, vous pouvez passer votre chemin sans acheter. C’est déjà un réel bénéfice pour votre peau et votre porte-monnaie.
Une fonctionnalité des applis que je trouve intéressante est l’accès à une liste d’ingrédients indésirables qui permet de se familiariser avec le nom de ces substances, de les repérer plus rapidement, de devenir un consomm’acteur avisé.
Mais ce n’est pas suffisant. Les applis ne peuvent pas constituer la seule base de décision pour un achat cosmétique. Certains labels bio comme Nature & Progrès ou la Mention Slow Cosmétique garantissent aussi une entreprise plus sensée.
Il faut aussi penser, au-delà de l’INCI, à l’entreprise, à son modèle économique et aux choix de ses ingrédients. Rien ne remplace une consultation sur le site de la marque afin de vérifier sa transparence. Il existe des boutiques qui font ce travail à votre place et dans lesquelles vous pouvez acheter les yeux fermés ou presque
Alors, mon avis ?
Oui aux applis pour éliminer des produits cosmétiques douteux contenant de nombreux ingrédients indésirables. Oui, peut être dans certains cas pour orienter l’achat vers de moins mauvais cosmétiques, non pas forcément ou pas du tout pour acheter de bons cosmétiques.
S’il ne fallait garder qu’une seule appli, je serai bien en peine de vous répondre, Clean Beauty peut être…